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Assises 2025 de la coopération internationale : Déclaration finale

  1. Créé par Lawrence PIETERS
  2. Le 12/09/2025
  3. Dans
Plus de 400 acteurs et actrices de la coopération internationale étaient rassemblé·es les 11 et 12 septembre 2025 à Bruxelles dans le cadre des Assises 2025 de la coopération organisées par le CNCD-11.11.11 et ACODEV, pour affirmer que le désordre mondial actuel nécessite davantage de solidarité internationale, à l'heure où les coupes budgétaires menacent la vie de millions de personnes et déforcent un instrument essentiel pour répondre efficacement aux enjeux mondiaux.

Nous, citoyens et citoyennes, organisations de la société civile, acteurs et actrices de la coopération internationale, réunis les 11 et 12 septembre 2025 à Bruxelles dans le cadre des Assises de la coopération internationale, affirmons que le désordre mondial actuel, illustré par la montée du nationalisme et des idées d’extrême droite, la multiplication des conflits, la guerre commerciale, le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité, les crises alimentaires, les inégalités croissantes, le retour de bâton contre les droits des femmes et le déclin démocratique, nécessite non pas moins, mais plus de solidarité internationale.

Pourtant, la coopération internationale est une des principales cibles de l’agenda national-conservateur. Des coupes sombres sont opérées dans les budgets d’aide au développement des pays donateurs, non seulement aux Etats-Unis, où l’USAID a été brutalement fermée, mais aussi en Europe, et notamment en Belgique, où le gouvernement a décidé de réduire de 25% le budget de la Coopération belge. Ce faisant, les pays donateurs menacent la vie de millions de personnes et se privent d’un instrument essentiel pour répondre efficacement aux enjeux mondiaux.

Malgré ses limites, la coopération au développement contribue à réduire la pauvreté, à améliorer la santé publique et à créer des emplois décents. Elle permet de sauver des dizaines de millions de vies en réduisant la mortalité infantile et maternelle, en enrayant des pandémies et en éradiquant des maladies infectieuses. Elle permet d’augmenter la scolarisation, l’espérance de vie et les investissements productifs. C’est en ce sens un investissement dans la prospérité partagée et la stabilité mondiale qui bénéficie non seulement aux populations des pays partenaires, mais aussi à tous les citoyens et citoyennes du monde.  

La coopération internationale n’est pas seulement utile pour lutter contre la pauvreté. Elle fait aussi partie des instruments à privilégier pour faire face aux enjeux mondiaux, tels que la lutte contre le dérèglement climatique et contre les pandémies, le travail décent, les programmes pour promouvoir la sécurité collective, la démocratie libérale et l’égalité des genres, et plus généralement pour réaliser l’Agenda 2030 de l’ONU pour le développement durable. Cela nécessite de passer définitivement d’une coopération « verticale » (dicter ses priorités la main sur le portefeuille) à une coopération « horizontale » (poursuivre ensemble des objectifs communs tout en prenant en compte les inégalités). 

Le développement est un des trois piliers de l’approche globale des « 3 D » en matière de politique étrangère : diplomatie, défense et développement. La pauvreté est reconnue depuis des décennies comme un facteur majeur d’insécurité dans le monde. C’est pourquoi financer le réarmement des pays de l’OTAN en sacrifiant les budgets d’aide au développement est une dangereuse erreur. La coopération internationale a un rôle majeur à jouer en matière de prévention des conflits, de reconstruction et de développement des pays en situation de post-conflit et, plus généralement, en matière de développement durable – car s’il n’y a pas de développement sans paix, il n’y a pas non plus de paix durable sans développement durable.

Loin de représenter un coût démesuré, l’aide publique au développement ne représente qu’un coût marginal par rapport à d’autres types de dépenses. L’objectif international visant à consacrer 0,7% du revenu national brut des pays donateurs en aide au développement ne représente qu’une fraction de l’objectif de 5% du PIB fixé par l’OTAN en juin 2025 pour les dépenses militaires et de sécurité. Pourtant, l’aide mondiale ne représente en moyenne que moins de la moitié de cet objectif (0,33% en 2024). En réalité, l’aide au développement représente un coût marginal pour un impact économique et social considérable et des dépenses importantes évitées. Elle peut prévenir les crises et épargner des dépenses colossales.

Pour répondre efficacement aux enjeux mondiaux contemporains, la coopération internationale doit se refonder. Le monde dans lequel la coopération au développement est née n’existe plus. Les acteurs et actrices de la coopération internationale font face à des défis majeurs : comment coopérer de manière égalitaire et décoloniale dans un contexte de désoccidentalisation accélérée du monde ? Comment coopérer et renforcer la paix et le développement durable dans un monde de plus en plus conflictuel ? Comment mettre en œuvre des alternatives progressistes et internationalistes dans un contexte où l’espace civique, la démocratie et la solidarité internationale sont de plus en plus menacés partout dans le monde ?

Dans un monde qui se désoccidentalise, il est nécessaire de désoccidentaliser la coopération internationale, afin de mieux intégrer les pays donateurs émergents dans le cadre mondial des objectifs de développement durable et renforcer la voix des pays à faible revenu. Face à la multiplication des conflits, la coopération internationale doit être pleinement intégrée dans une approche « 3D » faisant de l’Agenda 2030 du développement durable un facteur majeur de sécurité mondiale. Face au dérèglement climatique, la justice climatique doit être au cœur des politiques de coopération internationale, selon une approche commune mais différenciée. Dans un monde où les trois quarts de l’humanité vivent dans une autocratie, la coopération internationale doit renforcer les contre-pouvoirs démocratiques dans les pays partenaires, soutenir les organisations de la société civile qui luttent pour le respect des droits et des libertés démocratiques et développer des réseaux internationaux faisant de la promotion des valeurs démocratiques et des droits humains un objectif prioritaire des politiques publiques.  

L’impact positif de l’aide au développement ne doit pas masquer les nombreux obstacles à son efficacité, tels que les effets de dépendance, les conditionnalités contre-productives, la multiplicité des donateurs ayant des vues et des pratiques différentes, ou la mise à l’arrêt subite par les pays donateurs de programmes de développement en cours pour des raisons budgétaires. C’est pourquoi il est primordial de respecter les principes d’efficacité de l’aide et du développement.

Les effets positifs de la coopération internationale sont en outre souvent contrecarrés par les effets contraires découlant des politiques incohérentes des pays donateurs en matière de commerce international et de politique agricole, environnementale, migratoire ou de défense. C’est pourquoi il est crucial de garantir la cohérence des politiques en faveur du développement (CPD), au service d’un juste échange, de systèmes alimentaires justes et durables, de la justice fiscale, climatique et migratoire, et de la paix et la sécurité collective.

Nous, citoyens et citoyennes, organisations de la société civile, acteurs et actrices de la coopération internationale, nous engageons à promouvoir un modèle de société ouverte plutôt que fermée, un monde juste et durable plutôt qu’inégalitaire et insoutenable, la solidarité plutôt que le chacun pour soi, la démocratie libérale plutôt que l’autocratie, l’égalité des genres plutôt que le masculinisme, l’inclusion plutôt que l’exclusion, le droit international plutôt que la loi du plus fort, la prévention des conflits plutôt que la guerre, le multilatéralisme plutôt que le repli nationaliste, la solidarité internationale plutôt que le repli identitaire.

La construction d’alliances citoyennes internationales est un moyen privilégié pour peser sur les enjeux mondiaux. Face aux tentations de repli sur soi, la seule réponse adéquate et durable est le renforcement de la coopération internationale. C’est dans ce but que nous inscrivons nos stratégies et cherchons à développer des synergies à travers l’approfondissement et l’élargissement de coalitions de la société civile et de partenariats internationaux, afin de promouvoir ensemble un monde juste et durable.