Dans une carte blanche publiée aujourd'hui sur le site de L'Echo, les responsables des acteurs de la Coopération belge s’inquiètent de l’impact des coupes budgétaires envisagées par la coalition Arizona dans le secteur de la coopération au développement.
« Réduire de moitié l’aide au développement », pouvait-on lire dans De Standaard le week-end dernier, comme l’une des manières dont la future coalition Arizona [gouvernement fédéral] voulait faire des coupes sombres dans les dépenses publiques. Entre-temps, ces chiffres ont été nuancés par des rapports indiquant que certaines réductions n’avaient pas encore été discutées en profondeur par les négociateurs. Par exemple, il ne s’agirait pas de réduire de moitié le budget total du développement, mais « seulement » une partie de celui-ci – les compétences dites « partagées ».
Néanmoins, le plan budgétaire en cours de négociation jette une lumière crue sur les propositions sur la table des négociations en matière de coopération au développement. Il s’agit d’économies. Le gouvernement Arizona tournerait ainsi radicalement le dos à une promesse internationale vieille de plusieurs décennies visant à mobiliser 0,7% de nos richesses pour l’aide au développement – alors que l’aide belge dépasse à peine 0,4% du RNB actuellement.
« Les choix politiques reflètent le type de société que nous voulons promouvoir. Solidaire et ouverte sur le monde extérieur ou fermée et se regardant le nombril ? »
Pour nous, cette dernière option n’est pas envisageable. Car, plus que jamais, les enjeux internationaux et nationaux sont étroitement imbriqués. Voyez l’impact d’une guerre, d’une crise climatique ou d’une pandémie mondiale sur notre économie et notre propre vie quotidienne. Inversement, nos politiques nationales ont un impact majeur sur les pays en développement. Par exemple, notre engagement à réduire nos propres émissions de carbone a un impact sur les sécheresses, les incendies de forêt, les tempêtes et les famines dans le monde.
« La Belgique n’est pas une île. Nous avons un rôle à jouer dans le monde. »
D’un point de vue moral. Parce que nous avons un jour convenu - avec la Déclaration universelle des droits de l’Homme - de toujours défendre les droits humains pour toutes et tous. Mais cela a également un sens d’un point de vue stratégique. La sécurité et la prospérité de la Belgique et des Belges commencent à l’étranger. Il est illusoire d’espérer vivre dans un îlot de prospérité quand on baigne dans un océan de misère, car dans un monde interdépendant les « effets boomerang » affectent nos sociétés – comme l’illustrent notamment les conséquences en Belgique et en Europe des crises humanitaires, des pandémies ou des guerres. Il est d’autant plus important de montrer que l’on peut et que l’on doit faire les choses différemment que les intérêts personnels et les violations brutales des droits de l’homme gagnent à nouveau du terrain au niveau international. En optant pour la coopération et la solidarité internationales. Il ne s’agit pas de choisir entre investir dans notre propre société ou dans le reste du monde.
« Lorsque nous investissons dans la solidarité internationale, nous investissons dans l’avenir de toutes et tous, y compris chez nous. »
Si le gouvernement belge souhaite vraiment assurer la sécurité et le bien-être de tous, il doit aussi oser investir dans la lutte contre les causes des inégalités mondiales et de l’insécurité économique et sociale. Pour ce faire, il faut investir dans la diplomatie et la coopération au développement. Le simple fait d’investir dans la défense ne garantit pas une sécurité durable. Il s’agit d’une mesure de dernier recours. Nous devrions simplement respecter nos engagements internationaux et investir dans des partenariats par le biais de la diplomatie et de la coopération au développement, afin de prévenir les conflits. La Belgique joue ce rôle depuis des années. Souvent avec les compliments du monde extérieur. La position politique sur le conflit israélo-palestinien, où chaque vie humaine compte et où le droit international doit être respecté, flanquée de notre coopération au développement à Gaza - aujourd’hui lourdement affectée - n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
La coopération au développement est trop souvent considérée comme une « goutte d’eau dans l’océan ». C’est injustifié. On ne met pas de côté la recherche sur le cancer parce qu’elle n’a pas réussi jusqu’à présent à guérir et à prévenir tous les cancers. On continue d’investir et de faire de la recherche dans ce domaine parce qu’on a fait le choix, en tant que société, de se battre pour chaque vie humaine. Ainsi, chaque « goutte » de la coopération au développement compte. Chaque investissement dans ce domaine, chaque vie humaine en vaut la peine. Bien entendu, le débat se poursuit sur la manière de déployer cette coopération au développement de manière la plus efficaces possible. Mais pour pouvoir mettre en œuvre une politique, il faut des ressources.
« La coopération au développement permet d’atteindre des résultats concrets. »
Les études démontrent que l’aide au développement permet de réduire la pauvreté et d’accroître les investissements, l’espérance de vie et le taux moyen de scolarisation dans les pays en développement bénéficiaires. La coopération au développement a par exemple permis à 34 millions d’enfants supplémentaires d’aller à l’école depuis les années 2000 selon l’UNESCO. Elle a aussi permis d’éradiquer quasi complètement la poliomyélite et de réduire de près de 50% le nombre de nouvelles infections au VIH SIDA depuis 2000.
Les différents acteurs belges mettent chaque jour la Coopération au Développement en pratique, cherchant les plus grands leviers. Ils ont chacun leur propre méthode de travail, leur propre expérience et expertise et c’est précisément grâce à cela qu’ils se renforcent mutuellement pour lutter ensemble contre la pauvreté et l’inégalité. Prenons l’exemple des soins de santé. Notre gouvernement belge renforce les systèmes de santé dans les pays partenaires, tandis que les ONG renforcent les moyens aux populations locales de défendre leur droit à la santé. Les organisations multilatérales organisent des campagnes de vaccination, tandis que d’autres investissent dans le secteur privé pour promouvoir la production locale de produits médicaux. De grandes organisations humanitaires, ainsi que des initiatives citoyennes à petite échelle, se mobilisent pour offrir aux plus précaires des soins de santé dans les situations de crise. Tout cela permet de sauver des vies, chaque jour.
En résumé : investir dans la coopération au développement est un choix politique. Notre demande est de faire ce choix non pas sur la base d’une idéologie ou de symboles, mais avec une vision à long terme dans le respect des engagements internationaux de la Belgique.
Signataires : Arnout Justaert, directeur de NGO Federatie ; Els Hertogen, directrice de la coupole des ONG flamandes 11.11.11 ; Raphaël Maldague, directeur de la fédération ACODEV ; Joris Totté, directeur de la Société belge d’investissement dans les pays en développement BIO ; Jean Van Wetter, directeur de l’Agence belge de développement ENABEL ; Arnaud Zacharie, secrétaire général du Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11).